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Christophe Pradeau
biographie
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Texte inédit.

On trouvera ci-dessous le texte écrit en résidence pour le Parc et lu par Jean-Marc Bourg à Leucate et Feuilla dans le cadre du Festival des Identi’terres 2010.

On pourra lire par ailleurs, en cliquant ci-dessus (feuilleter le recueil) le texte révisé pour la publication par les éditions Verdier.


Belle Lurette


Du début juin à la fin septembre, il vendait des glaces et des beignets, entre mer et étangs, attelé à sa carriole, suant, soufflant, s’époumonant, vantant sa marchandise, d’une main l’entortillant dans une spirale d’essuie-tout, rendant la monnaie de l’autre, tout sourire, toujours prêt à faire la conversation, peu avare de ses anecdotes, blaguant avec les confrères, ébouriffant les têtes blondes ou brunes qui n’en finissaient pas de venir s’échouer au travers de ses jambes. C’est qu’il fallait, si l’on voulait tenir la distance, faire ses quinze, ses vingt longueurs de plage, se tenir constamment au plus près de la ligne d’écume, là où le sable, terni par le va-et-vient des vaguelettes, tassé sur lui-même, en rabattait quelque peu sur sa nature volatile, ravalant ses envolées de poussière d’or pour se faire compact, terne, grisâtre, et par là même apte à former chaussée, à porter pas laborieux et roues caoutchoutées mais aussi, d’où les collisions, les bousculades, à prendre forme joueuse de douves et de tourelles, ciment pour de faux qu’un rien effrite et disperse, que l’on moule pourtant, et démoule, que l’on élève, ramifie en réseaux de ponts, de tunnels, grottes, coursives, et même, deux ou trois fois l’an, lorsque le temps revenait des grandes joutes de virtuoses primées par le Comité des fêtes, en tours de Constance ou de la Vade, nefs ruinées ou inachevées de Maguelonne et de Saint-Just, élévations vertigineuses de châteaux cathares, éperon don quichottesque, acéré comme une lame, de Peyrepertuse ou donjon rondouillard de Quéribus, rassis sur son rocher comme Sancho Pança sur la croupe de sa mule – on avait même vu s’affronter un palais des rois de Majorque et une abbaye de Fontfroide, avec cloître et patio, rucher et jardin de simples, qui n’usurpaient pas avec trop d’indécence le nom sous lequel on prétendait les présenter à l’admiration des foules estivales.

 Les habitués l’appelaient Bébel, parce que son visage émacié, son sourire désarmant, sa silhouette sans âge, déjà marquée par les années mais pourtant encore souplement juvénile, l’apparentaient vaguement à l’acteur, au Belmondo grand-guignolesque des derniers grands succès populaires, rodomontades et gestes amples à la Cyrano entraînant chutes cul par-dessus tête. D’autres, moins nombreux, préféraient voir en lui, surtout lorsque la sueur lui embuait les yeux et le faisait grimacer sous le bob, un sosie de Jacques Brel. Aussi l’appelait-on également, beaucoup plus rarement il est vrai, Les Bonbons. Mais, les années passant, c’est Belle Lurette qui s’imposa, parce que l’expression revenait souvent dans sa bouche et qu’elle avait fini, désuète, exotique comme elle était, par ne plus faire qu’un avec le personnage. Tournée en rengaine, elle ricochait de groupe en groupe, employée en manière de plaisanterie, avec des sourires entendus ou de grands éclats de rire, par des vacanciers complices, réjouis de prendre un peu de bon temps sur le dos du camelot, dont le cri – « chouchous, beignets, glaces, marchand de glaces » – marquait pour tout un chacun, avec une régularité d’horloge, le passage des heures. Personne au juste ne savait quel était son vrai nom, son nom propre, celui qui figurait sur sa carte d’identité et flottait sans doute aussi quelque part dans la mémoire de parents ou d’amis. Il vivait dans une voiture, ou plutôt dans ce qui avait été autrefois une voiture, une épave ensablée en bord de plage. On admirait qu’il pût s’y glisser et l’on restait incrédule à l’idée qu’il réussissait à s’allonger ou du moins à adopter une position suffisamment confortable pour y dormir tant l’habitacle était encombré de riens glanés sur les plages ou sur la jetée : cannes à pêche rafistolées, filets rapiécés, viviers rongés par la rouille, boîtes de conserve reconverties en casseroles ou en faitouts, vêtements de toutes tailles, d’homme, de femme, d’enfant, tâchés, déchirés, encroûtés de sel, livres débrochés, et même le cadavre d’un lustre à pendeloques, façon verreries de Murano, qui gisait, parfaitement incongru, sur la plage arrière. La gendarmerie tolérait sa présence. Les plaintes étaient rares et restaient sans suite : le fait de vacanciers de passage, ignorant des us et coutumes de l’endroit, que le voisinage avait inquiété dans les premiers jours – mais ils s’habituaient vite et Bébel finissait généralement par gagner leur sympathie.

Le patron livrait la marchandise en milieu de matinée et revenait à la nuit tombante prendre sa part des recettes. Le matin, à l’aube, Belle Lurette profitait des douches du poste de secours pour faire sa toilette. Matin, midi et soir, il cassait la croûte assis sur le sable, adossé à la carriole. Sa journée finie, retiré en lui-même, traits durcis, masque tombé, il aimait regarder les ombres s’étirer, jusqu’à la plus extrême ténuité, jusqu’à complète disparition, que dessinaient les baigneurs sur le sable, de plus en plus longues et étroites au fur et à mesure que les lieux se vidaient et que le jour achevait de basculer dans la nuit. La lumière du soir était sa récréation, et superlativement l’heure fugitive, floraison fragile, miraculeuse, privilège des plus beaux jours de l’année, qui voit le bleu de la mer s’approfondir, se charger de plus de nuances que l’œil humain peut en percevoir, tandis que sur la plage l’air s’adoucit en une blondeur nourricière qui magnifie la nudité des corps. Il était saisi d’un tel enthousiasme à voir le monde se couvrir de gloire qu’il finissait le plus souvent par céder à l’appel ; laissant là sa charrette, il partait au pas de course, échassier désarticulé, se jeter à l’eau, la tête la première, dans un grand remuement d’éclaboussures ; il nageait avec application, en décomposant les mouvements pour savourer le plaisir troublant, à chaque brasse reconduit, de se sentir porté par l’obscurité hantée des profondeurs. On l’apercevait tout là-bas, à peine distinct, s’attarder plus que de raison à faire la planche, un peu au-delà de la dernière bouée, jusqu’à ce que haut et bas, mer et ciel, large et rivage finissent par s’emmêler en lui, confondus, indiscernables. Il m’avoua un jour, dans un accès de confidences resté sans lendemain, que le submergeait, dans ces moments-là, l’évidence grisante d’un surcroît d’existence qui durait le temps de s’orienter, de se demander s’il aurait assez de force pour s’ouvrir un passage dans l’ondoiement labyrinthique, l’ordonnancement incessamment recomposé des vagues, assez de courage pour arracher son corps à la respiration suffocante de la mer, ses gonflements comblants qui tout à la fois vous exaltent et vous ravalent à l’état de bouchon de liège. Il lui arrivait aussi quelquefois, à la mi-août, au plus haut de l’été, de se glisser dans l’eau lourde, infusée de lune, des approches de la minuit ; au retour, il s’orientait sur la grande roue du Luna Park, dont la rumeur parvenait jusqu’à lui, malgré la distance : cris suraigus de terreur feinte, sirènes, ritournelles des bonimenteurs, cliquetis métalliques des wagonnets sur les rails, tout cela emmêlé, noué en un fantôme acoustique de fête foraine que les sautes de vent escamotaient puis rétablissaient autour du nageur, bruine joyeuse de bruits juvéniles, ombre sonore, vibratoire, du littoral, dont le destin était d’aller s’annuler dans le silence étale de la pleine mer.

*

*       *

 

L’hiver, il trouvait à s’employer chez les uns, chez les autres. Il consolidait les palissades, décapait, repeignait les volets, défendait les résidences de bord de plage des avancées du sable et des outrages du vent marin, vent empoissé de saumure, chargé de macules corrosives dont vous découvriez les huisseries, les meubles salis et jusqu’aux services de porcelaine dans les buffets, crissants, rayés par le quartz, qui craque sous la dent, que l’on s’apprête à dévorer un beignet, assis en tailleur sur sa serviette de bain ou que l’on déguste une dorade en terrasse, une dorade royale arrosée d’un Picpoul bien frais. En 1991, un habitué, pas un vacancier, un gars du coin, que Belle Lurette connaissait de longue date, lui parla d’une bâtisse dont il venait de faire l’acquisition, dans l’arrière-pays, entre Treille et Fraissé-des-Corbières, un patelin du nom de Feuilla. Parti comme c’était parti, la rénovation menaçait de traîner en longueur. Le chantier aurait bien besoin d’un renfort. Il accepta. Dès lors, les jours se passèrent à brouetter des gravats, à gâcher le plâtre, à abattre des cloisons, glisser des tuyaux, faufiler des gaines techniques derrière les plinthes, sous les lames de chêne du parquet. En semaine, ils étaient trois : Belle Lurette et deux Catalans, deux types de Ripoll, un gras et un maigre qui faisaient la pair ; ils avaient passé la frontière ensemble, comme tous les ans, pour faire les vendanges, et ils avaient accepté comme un seul homme d’hiverner dans les Corbières, renouant ainsi, sans le savoir peut-être, ou le sachant, avec une tradition qui s’était éteinte avec les derniers charbonniers ; ils se faisaient fort de s’improviser maçons, couvreurs, charpentiers, tout ce qu’on voudrait. Les fins de semaine, le patron les rejoignait, et des amis à lui, ceux-là authentiques plombiers, électriciens, peintres, carreleurs… Le dimanche soir, tout ce beau monde s’en allait retrouver femmes et enfants, qui à Narbonne, qui à Port-Leucate. Belle Lurette et les deux Catalans pouvaient reprendre possession des lieux. Ils rapatriaient leurs lits de camp dans la cuisine, seule pièce à peu près défendue du froid, et encore sommairement, par de simples châssis huilés. Pour les provisions, il fallait prendre la camionnette, direction la route des étangs ; il n’y avait rien avant Treille. C’est Belle Lurette qui s’en chargeait. Il était comme chez lui désormais sur les routes des alentours ; mais, un jour de givre, qu’il avait dû pousser jusqu’à Sigean, pour prendre livraison d’un buffet chiné chez un brocanteur par la femme du patron, il s’était perdu, une histoire invraisemblable dont jamais il ne reviendrait tout à fait.

Les routes étaient désertes, pas une voiture, pas un passant dans les hameaux, pas une silhouette, en ombre chinoise, sur le mur des granges. Les étagements de vignes en contrebas scintillaient sous le soleil rasant avec une dureté minérale de salines, à se demander si c’était bien le col de Pereille ou si l’on était allé s’égarer, dieu sait par où ni comment, du côté de La Palme, quelque part dans la Garrigue Haute ou dans les carrières de Cap Roumany. Le paysage, agressif, hérissé d’éclats prismatiques, fatiguait l’œil, l’embarrassait d’impacts, éblouissements légers qui agaçaient l’esprit et finissaient par déporter l’attention des trahisons de la route vers celles du corps. Il avait quand même réussi à rejoindre la D 27 mais le soleil était déjà bas sur l’horizon quand il arriva en vue de Feuilla. À l’entrée du village, au lieu de tourner sur la gauche, comme il le faisait d’ordinaire sans même y penser, il laissa la camionnette continuer sur son erre, pendant une trentaine de mètres, le temps de longer la façade de cette grande maison de vigneron qui s’imposait à l’attention avec son double porche et, dans une niche fermée d’une grille de fer forgé, son antique statuette de la Vierge à l’enfant. Un simple pas de côté mais qui suffisait : il ne le savait pas encore mais il était embarqué.

Les rétroviseurs raclèrent le crépi, la jante alla méchamment s’écorcher contre deux antiques pierres de bornage qui formaient saillies dans le mur d’une grange, un mur curieusement ventru, renflé, démesuré de l’intérieur par l’usure du temps. Il s’en fallut de peu que la venelle ne se referme comme une nasse sur la camionnette. La descente avait duré trois, quatre minutes à peine. Belle Lurette vient de laisser le village derrière lui mais la route ne s’élargit pas pour autant. Toute manœuvre est impossible et, quant à passer la marche arrière, il ne faut pas y songer. La camionnette est maintenant engagée sur un chemin cahoteux, labouré d’ornières, que le verglas rend difficilement praticable. On longe une rivière sans la voir, dissimulée qu’elle est derrière une succession de roselières, un véritable rideau de hallebardes, raidies par le givre, déni cliquetant des proverbiales vertus de souplesse du roseau. On percevait assez distinctement, en revanche, le clapotis, la course flâneuse, encore ralentie par le froid, de la rivière, toute en sinuosités, contournements, ressauts cascadants, assoupissements méditatifs, abandons et rebonds, effacements et résurgences. Rivière était d’ailleurs beaucoup dire, un ru plutôt. Ce devait être la vallée de Feuilla, dont le vieux lui avait parlé l’autre jour. La  vallée du Rieu de Feuilla. Belle Lurette fut surpris d’entendre sa voix : cela faisait bien deux ou trois minutes qu’il monologuait sans en avoir conscience, débroussaillant la route en paroles à défaut d’autre chose, anxieux de précéder l’événement en empilant conjecture sur conjecture, vue de l’esprit sur vue de l’esprit. Rien ne l’empêchait, c’est sûr, de laisser là la camionnette ; il serait toujours temps de revenir demain matin avec les gars ; mais une légère amertume dans la bouche l’en dissuadait, un sentiment qu’il avait rarement éprouvé dans sa vie, une remontée de bile, assez pénible, qu’il identifia confusément pour ce qu’elle était : une blessure d’amour propre. Il décida de continuer encore cent mètres, et puis encore cinquante ; il pousserait jusqu’au prochain coude, et puis non, encore jusqu’au suivant. La route, de plus en plus étroite, de plus en plus sinueuse, semblait conçue à loisir pour empêcher que l’on se retournât. C’était comme un pacte. Vous irez de l’avant sans vous soucier de ce que vous abandonnez à chaque pas, de tout ce que vous laissez derrière vous du simple fait de vivre.

Soudain, Belle Lurette perdit le contrôle de la camionnette, qui alla heurter une souche, après avoir accompli deux voltes complètes. Cinq bonnes minutes se passèrent avant qu’il ne se décidât à ouvrir la portière. Le sol lui manqua. Il se rétablit tant bien que mal, une main posée à plat sur le sol gelé, et aussitôt méchamment mordue par l’hostilité intrusive du froid. Il alla s’adosser à un amandier. Son bras gauche le faisait un peu souffrir. Il se fit la réflexion que jamais encore il n’avait vu le monde ainsi, lui qui ne l’avait connu que librement déployé, sans autres frontières que la courbure de la terre, la ligne d’horizon pour seule limite. Et pourtant, il avait le sentiment, qu’il ne s’expliquait pas bien, de renouer avec un état très ancien de quiétude, comme s’il avait trouvé son lieu propre, une chambre à soi, une chambre qui ne serait pas faite de portes, de murs, de fenêtres, mais de la reconnaissance, de l’harmonie enveloppante d’un paysage. C’était ici qu’il voulait vivre désormais. Il n’imaginait pas une seconde, après cette révélation, reprendre au printemps son existence métronomique de Leucate. Et pourtant, l’instant d’après, il était pris d’une violente nostalgie, comme s’il était parti déjà, comme s’il était exclu qu’il pût jamais s’établir dans la splendeur qui venait de se révéler à lui.

Il reviendrait souvent, aussi souvent que la pose des huisseries, du carrelage, que les peintures lui en laisseraient le loisir. Il ne fallait guère plus d’un quart d’heure de marche pour atteindre l’entrée de la vallée depuis les hauteurs du village. On ne remarquait rien au début. Le chemin était assez anodin, semblable à tant d’autres. Il longeait d’abord une assez vaste parcelle de vigne, plantée en éventail pour tirer le meilleur parti possible d’un terrain dont l’arrondi sommital formait un arc de cercle presque parfait. Ce n’est qu’un peu plus tard, trois cents ou quatre cents mètres plus loin que l’on prenait conscience que l’on avait pénétré dans la vallée. Il était parfaitement impossible de situer avec précision le moment où le seuil avait été franchi. L’espace s’était insensiblement organisé ; les éléments du paysage avaient longtemps tâtonné avant de trouver leur place ; il leur avait fallu du temps pour s’habituer les uns aux autres, s’imbriquer, trouver le bon système de rapports, le juste usage de leurs formes respectives. Soudain, on s’aperçoit que plus rien ne manque, que tout est à sa place : le ru et son fourreau presque ininterrompu de feuillages, bois de Sainte Lucie et amandiers ; les escarpements ruiniformes qui ferment l’horizon ; l’écoulement hémorragique des pierriers ; la noblesse des grands arbres calcinés qui semblent vous toiser du haut d’un monde de souvenirs, temps heureux d’avant l’irrémédiable, le crépitement des incendies, ciel rougi, aubier qui éclate, feuillage devenu flammèches, la désolation qui croît et multiplie ; mais aussi, révélation réservée aux curiosités persévérantes, les murs d’une ancienne bergerie dissimulés aux regards derrière les fortifications de ronciers qui en défendent l’accès, parfaitement impénétrables en apparence, mais trouées en leur centre d’un tunnel aussi romanesque, aussi émouvant qu’un passage secret. Les bois de Sainte-Lucie et les amandiers témoignaient d’une époque où la vallée avait été cultivée, aménagée en verger, prolongement fertile du village, objet jaloux de tous les soins : une douzaine d’arbres portaient encore des fruits, cerises et pêches de vigne, la chair ensauvagée, un peu amère. On mettait assez aisément au jour, en grattant dans les broussailles, les murets qui avaient jadis divisé en parcelles le verger communal. Quelques-uns de ces murets avaient dû abriter des ruchers autrefois : Belle Lurette découvrit, en effet, la dernière semaine de son séjour à Feuilla, les restes de ce qui avait été un buc ; et les murs de la bergerie, derrière leurs murailles de ronces, présentaient une cavité qui ressemblait fort à l’une de ces fameuses ruches-placards dont le vieux lui avait parlé.

Il fut invité à la pendaison de crémaillère. Les Catalans avaient déjà regagné Ripoll. La fête fut belle. Le lendemain, ce fut à son tour de partir. Il n’avait plus aucune raison de rester. Il avait cherché du travail à Feuilla mais on n’avait besoin de personne et encore moins de quelqu’un comme lui. Chaque nuit, il se réveillait en sursaut, le corps en sueur. Ses rêves bourdonnaient de vies possibles : il était ermite ; il était berger ; il avait remonté les murs à abeille, des terrasses et des terrasses de murs à abeille ; il partageait une grotte avec un couple d’aigles de Bonelli ; il vendait son miel sur le marché de Sigean, l’authentique miel de Narbonne, pur romarin ; il avait réussi à capturer un troupeau de chèvres sauvages et depuis vivait de ses fromages, fameux sur les marchés de Sigean, de Portel-des-Corbières, de Port-la-Nouvelle ; il plantait des champs et des champs d’éoliennes, il cultivait l’éolienne, vendait sur les marchés de l’électricité en bouteille. Le 1er juin, Belle Lurette fut fidèle au poste, attelé à sa charrette ; il fit ses quinze, ses vingt longueurs de plage. Sa journée finie, il s’assit en tailleur, face à la mer. La nuit venue, il regagna sa voiture, son épave de voiture ensablée en bord de plage ; mais, désormais, il avait une chambre à soi.                                              

                                          

Pierre Sansot
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Jean-Claude Forêt
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lu par Jean Costadau (4mn)