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Südwall  / Les fortifications de la Garrigue Haute (P.-L.-Nouvelle)

Depuis les hauteurs du Cap Romani, le cap des Romains, et non du Romarin comme le traduit la carte IGN, le regard embrasse une vaste portion de littoral qui s'étend de l'île Saint-Martin sur la commune de Gruissan au Cap Leucate. L'homme s'est toujours complu sur ce promontoire désolé des Corbières, creusé d'abris sous roche et au pied duquel affleurent les nombreuses sources du Rec Mendils.

En décembre 1942, la 326.ID de l'armée allemande, forte de ses 11297 hommes qui occupent le Languedoc-Roussillon, commence l'édification le long du rivage d'un "mur fortifié" connu sous l'appellation de Süd-wall. De part et d'autre du grau de la Franqui se déploient deux régiments d'infanteries dont les PC sont respectivement établis à Port-la-Nouvelle et aux Saintes-Marie de la Salanque. De la fin 1942 à l'été 1944, les soldats cantonnés dans le secteur de Lapalme-Leucate s'occupent à fortifier l'espace maritime compris entre les unités d'artillerie côtière installées à Gruissan au nord et Collioure au sud. L'arrière pays n'est pas oublié, Sigean disposant de deux sites équipés d'importantes batteries hippomobiles.

Le port et les plages de la Nouvelle sont l'objet d'une attention toute particulière, disposés sous le feu de huit puissantes batteries de 105 mm, installées sur les hauteurs du Pla de Guiraud et des Romandils. Ces détachements, codifiés sous l'indicatif  Bttr 2 et 3 / HKAR. 920 puis 1290 (à partir de la restructuration de décembre 1943), sont composés chacun de près d'une centaine d'hommes dont quelques supplétifs italiens.

Des soldats vont vivre là pendant près de deux années, "enterrés" dans leurs impressionnants ouvrages de combat, à guetter un ennemi qui ne viendra jamais.

Une attente insouciante face à la mer, sur les plateformes cuites par le soleil d'été, battues par les vents froids d'hiver; une aride exploration journalière des basses terres et du lido, de longs mois d'expectative qui ne seront plus par la suite qu'une pauvre chose ou un souvenir heureux comparés aux fronts de Normandie ou de l'Est qui les attendent; la débacle qui les guette.

Malgré les destructions opérées par les Allemands eux-mêmes lors de leur retrait et complétées par le Génie militaire à la Libération, il reste de nombreux vestiges significatifs de ces infrastructures : casemates camouflées qui défient les ans dans leur coffre de béton, nombreux abris et soutes, postes d'observation dans des creux de falaise, plateformes où se dressaient batteries marines, mortiers lourds, tourelles de char, projecteurs... l'ensemble relié par des tranchées, des souterrains taillés dans la roche, garnis d'une volée de marches, plongeant parfois vers quelques salles d'habitation ou de stockage qui semblent attendre on ne sait trop quoi, au coeur de la colline.

A partir de janvier 1944, ces garrigues côtières sont parcourues de frémissements, le temps jusque là étale, s'accélère. Plusieurs changements de compagnies agitent le secteur de La Nouvelle-Leucate. Fin juin, la 227.ID  installée seulement depuis quatre mois file sur le front nord, en direction d'un autre mur, l'Atlantikwall, qui vient tout juste de rompre. Elle est remplacée par l'ultime force d'occupation, descendue du front de l'Est pour se ressourcer au soleil du Midi.

A l'attente insouciante succède une interrogation inquiète...

Les combats n'ont pas affecté le grand Mur du Sud. Il s'étiole doucement mais malgré une apparente désolation, il n'est pas oublié de tous. Plusieurs générations d'enfants et d'adolescents s'y sont succédé pour des initiations amoureuses ou pour y cultiver le mystère. Car le lieu fait rêver, l'imagination aidant, il s'est rapidement hissé au rang de légende. Des mains avides y grattent toujours, étayant des conduits minés ou bouchés à la Libération, cherchant des passages dans des terrains instables. Des histoires d'entrées oubliées se transmettent, de réseaux cachés, d'un hypothétique dépôt de matériel militaire... voire d'une issue menant au coeur d'une cité souterraine.

Mais les faits sont malheureusement plus prosaïques. Ils racontent l'histoire banale et pathétique d'hommes entrainés souvent malgré eux dans des conflits aveugles et meurtriers.

Sur des dalles de ciment, des constructeurs ont laissé pour la perpétuité le blason d'un corps d'arme ou l'empreinte de leurs chaussures, abandonnant dans leur sillage comme le parfum subtil d'une présence. Malgré la guerre, face à ce grandiose paysage littoral, des soldats ont rêvé. Non de cité souterraine, misérables salles obscures et humides dans lesquelles leur condition les enkystait mais probablement de grands espaces, de liberté, de jolies filles et d'une vie pleine et tranquille par-delà la montée de la nuit.

texte écrit par Marc Pala


Catégorie: 1. Fortifications

Bibliographie:

Sources Association Musée Südwall Languedoc-Roussillon Sigean qui entend "recenser, préserver et présenter au public" ces fortifications de l'histoire récente. 

Bosschaerts Guy, 27 mars 2002, Le mystère de la cité souterraine du Romandils in journal L'Indépendant, rubrique Port-La-Nouvelle, p.17.

Chazette Alain, septembre 1999,  Les défenses du secteur de Leucate in 39-45 Magazine, n° 159.

Chazette Alain, 2002, Atlantikwall-Südwall, Sur les traces du temps, Ed. Histoire et fortifications, Paris.



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